La violence faite aux femmes : le temps d’une campagne sociétale

par Karine Casault, Isabelle Demers et Anne-Marie Viens

8 féminicides en autant de semaines, c’est juste inacceptable, c’est évident.
Ça, personne ne peut le nier.

Mais, est-ce légitime ou juste de mettre tous les gars au banc des accusés ?

Nous constatons que plusieurs campagnes de sensibilisation et de messages de personnalités publiques s’adressent actuellement aux hommes, aux gars. À TOUS ces hommes et ces gars - de la même façon. 

Le premier ministre François Legault, notamment, l’une des figures les plus écoutées au Québec en ce moment, a dit en conférence de presse le 3 mars dernier : « J’ai le goût de parler aux hommes, d’homme à homme. Il n’y a rien de masculin, il n’y a rien de viril à être violent avec une femme. Au contraire, moi je trouve ça lâche¹. »

On comprend que pour attirer l’attention, ça prend des phrases punch. Qui captent l’attention. Qui font boum. 

Le risque c’est qu’en parlant à tout le monde, à tous les hommes comme s’ils étaient tous à risque de commettre l’irréparable, on parle à personne et donc, qu’on passe à côté.

Le plus grand risque serait de perdre nos alliés, alors qu’il faut les aider à délier les langues. Aider les hommes à intervenir, à sensibiliser les leurs, à parler à leurs boys.

Justement, comment faire en sorte de reconnaître les signes que quelque chose ne tourne pas rond ? Comment faire en sorte qu’il soit normalisé de dénoncer au lieu de laisser aller ? Qu’on n’attende pas de voir des coups visibles pour agir et intervenir lorsqu’il est question de violence.

bystanders effect

Mais, comment communiquer à ces hommes qui ont un besoin de contrôle, et aux bystanders… sans généraliser à tous les hommes ? 

Des initiatives comme #parleatesboys, c’est intéressant, car ça interpelle,  on suscite un sentiment de solidarité et d’imputabilité. Ça indique clairement que cesser la violence conjugale, c’est l’affaire de tous les hommes.

Maintenant, une fois qu’on a l’attention de nos hommes, il faut leur donner des outils pour amener ce changement de comportement : passer réellement d’une forme de laisser-faire en matière de violence conjugale (ça nous regarde pas, c’est dans leur couple, on détourne des yeux, on s’en mêle pas, on ne veut pas voir les signes), à une prise de parole, qui aide et intervient. 

Par exemple, Étienne Boulay, qui a parlé avec beaucoup de sensibilité et d’empathie, à certains hommes lors de sa chronique au micro du Wknd 99,5, le 24 mars dernier², a su interpeller pour inviter à se regarder, à intervenir, à cesser le laisser-faire. Précisément, il a parlé à ceux qui se reconnaîtraient dans les exemples de violence physique ou surtout, dans les exemples évoquant “sa petite sœur plus sournoise”, la violence psychologique.

Celui-ci a donné des exemples concrets qui permettent à la personne concernée d’identifier ses comportements potentiellement problématiques. Il a brillamment illustré comment la colère vient trop souvent être confondue avec d’autres émotions dans la gamme, à défaut de mots pour les décrire et d’humilité pour les reconnaître.

Et la finalité est un appel à l’action convaincant de sensibiliser ses amis, ses chums, à ces exemples de comportement qui ne devraient pas être acceptés ni perpétrés.

Comme le dit si bien Simon Lapierre, professeur à l’École de travail social de l’Université d’Ottawa et spécialiste de la violence conjugale, interrogé dans Urbania,

« C’est très important que des hommes prennent la parole pour s’adresser à d’autres hommes, pas parce qu’on a quelque chose de nouveau ou de plus intéressant à dire, mais parce que tout le monde devrait en parler!³ »

Le momentum est là.
L’attention de tout le monde est captée par ces drames immondes. 

Il serait temps et opportun d’amorcer une véritable campagne sociétale de changement de comportement afin d’aider non seulement à voir les signes de violence conjugale, mais de normaliser sa dénonciation, afin qu’elle cesse.  

À cette campagne devront se joindre les nécessaires changements législatifs et les investissements en ressources, qui sont toujours peu présents dans les budgets gouvernementaux.   

Comme on l’a fait pour l’alcool au volant, les châtiments corporels aux enfants, la cigarette, le casque, la ceinture de sécurité.

C’est un processus.

Mais un processus qu’on doit décider de faire en tant que société, en y investissant suffisamment de ressources.

Parce que la violence, c’est insidieux, et ça tue.

RÉFÉRENCES CITÉES

  1. Caroline Plante, La violence envers les femmes est « lâche », dit François Legault, La Presse, 3 mars 2021

  2. Étienne Boulay, WKND 99,5, 24 mars 2021

  3. Sarah-Florence Benjamin, Lutte contre la violence conjugale : comment devenir un allié?, Urbania, 30 mars 2021

Anne-Marie Viens